


Swiss Jazz Orchestra
& Christoph Irniger
« DRIVING » de Christoph Irniger
SUITE POUR VOIX, VIBRAPHONE
ET BIG BAND
CREATION MONDIALE
Christoph Irniger saxophone ténor, composition & direction
Gabriela Krapf voix
Reto Suhner, Reto Annele, Cédric Gschwind Jürg Bucher, Matthias Tschopp saxophones
Dave Blaser, Lukas Thoeni,
Sonja Ott, Thomas Knuchel trompettes
Vincent Lachat, Lukas Wyss,
Andreas Tschopp, Kristine Solli Oppegaard trombones
Sonja Huber vibraphone
Philip Henzi piano
Samuel Leipold guitare
Lorenz Beyeler contrebasse
Rico Baumann batterie
Christoph Irniger n’a jamais cru aux lignes droites. Dans sa Driving Suite, il traque ce qui vacille, ce qui bifurque. Il s’appuie sur ce que Freud, dans Au-delà du principe de plaisir (1920), a décrit comme le grand conflit intérieur de l’humanité: Éros et Thanatos. Éros, l’instinct de vie, le désir de survivre, de se nourrir, de créer. Thanatos, l’instinct de mort, la pulsion vers la destruction, la haine, la colère. Deux forces qui se confrontent et s’enlacent, moteurs secrets de la pensée et de l’existence. C’est dans cet espace trouble qu’Irniger cherche le son.
On pense à ce bois gravé d’Andrea Alciato: Éros et Thanatos marchent ensemble, décochent leurs flèches — dorées pour l’amour, osseuses pour la mort — mais les échangent par erreur. Les vieillards s’enflamment d’amour, les jeunes s’effondrent. Une maladresse? Ou Thanatos a-t-il agi sciemment, jouant une partition plus obscure? Irniger explore ce jeu d’équilibre fragile dans une musique qui ne tranche jamais vraiment.
Pour donner corps à cette tension, Irniger s’appuie sur le Swiss Jazz Orchestra, une machine de précision fondée en 2003, devenue une référence du jazz suisse. Avec son mélange de rigueur et de liberté, le big band est le cadre idéal pour cette exploration des forces contraires. La voix de Gabriela Krapf porte les textes comme une incantation, le vibraphone de Sonja Huber ajoute une lumière fragile au cœur de la densité sonore. La suite se déploie dans une architecture mouvante : des mélodies surgissent, s’évanouissent, reviennent. Rien n’est figé, tout est tension.
Irniger ne cherche pas à résoudre le conflit. Il laisse Éros et Thanatos coexister, se heurter, se fondre.
La musique respire dans cet espace d’incertitude, entre le désir de vivre et la tentation du vide. Une flèche dorée, une flèche osseuse — et le doute qui demeure.
Christoph Irniger et le Swiss Jazz Orchestra? En fait, on associe plutôt le saxophoniste à des formats plus restreints. Dans des groupes tels que Pilgrim, Cowboys from Hell ou le Christoph Irniger Trio, il préfère les petites formations, du trio au quintet dans lesquels chaque voix peut s’exprimer individuellement, où l’intention et l’interaction sont mises en valeur de manière parfaitement équilibrée. Ce qui est d’autant plus surprenant aujourd’hui, c’est la concision et en même temps la densité qu’exprime sa collaboration avec le Swiss Jazz Orchestra.
On sent la force d’un colosse, d’une chaudière poussée jusqu’à l’éclatement par de superbes mélodies. La pression de la volonté absolue de raconter des histoires maintient le moteur en marche en permanence. On ne peut pas écouter aussi vite que les idées fusent. Le plaisir de créer des histoires et de les peindre avec des images sonores héritées de son travail avec de petites formations qu’il incorpore ici à tout un ensemble.
Le Swiss Jazz Orchestra, quant à lui, se lance avec un plaisir évident dans ce monde sonore et répond à l’imagination du compositeur en quelques secondes, passant d’une puissante sonorité orchestrale compacte à des récits ciselés, pleins d’inspiration et de surprises.
Le Swiss Jazz Orchestra & Christoph Irniger c’est une rencontre passionnante
Ensemble, ils enregistrent «The Music of Pilgrim», sorti en 2022.
Aujourd’hui, ils présentent «Driving», commande du festival Les Athénéennes pour l’édition 2025.